de Nancy Huston
Editions Actes Sud
21€
Sur un lit d’hôpital, Milo s’éteint lentement. À son chevet le réalisateur new-yorkais Paul Schwarz rêve d’un ultime projet commun : un film qu’ils écriraient ensemble à partir de l’incroyable parcours de Milo. En s’attachant à ce destin issu d’un passé aussi singulier qu’universel, en s’arrêtant sur les origines de Milo dans un premier temps effacées puis peu à peu recomposées, ce film serait le reflet éclatant de trois lignes de vie ayant traversé le siècle en incarnant ses décennies de joies et de larmes, d’espoirs et de résistance, d’exode, d’exils et de fureur. Vivre, écrire, créer dans une langue étrangère, porter en soi la polyphonie des mondes d’un bout à l’autre du XXe siècle, cet ouvrage puissant est à lui seul la voix de l’exil, il incarne sa force riche et douloureuse. Construction magistrale, une langue toujours complexe et décomplexée, il s’agit là d’une oeuvre audacieuse et maîtrisée que l’on nous met sous les yeux. Et d’ailleurs, est-ce livre, ou un film ? Quoi qu’il en soit, Nancy Huston y atteint un nouveau sommet de virtuosité et de splendeur.
de Colum McCann
Editions Belfond
22€
Beaucoup de choses dans ce livre : des époques différentes, des pays différents, divers styles, divers points de vue, fiction, histoire… Il s’agit bien des tisser des fils, de construire des ponts entre tout cela, et Colum McCann l’avait déjà démontré dans Et que le vaste monde poursuive sa course folle (un funambule s’élançant sur une corde tendue entre les Twins Towers), il aime créer des liens. Transatlantic porte bien son titre, puisque le sujet principal de l’ouvrage pour sur les échanges transatlantiques entre l’Amérique et l’Irlande entre 1845 et 2011, qu’il s’agisse de voyages, de lettres, d’exploit aéronautique, de rêves, d’adieux… De très belles voix (comme un magnifique écho d’Echenoz dans la première partie), tendues par le déracinement, la perte d’êtres chers et le dépassement de soi à travers les deux derniers siècles, c’est par le point de vue de différents personnages réels ou imaginaires que l’histoire de l’Irlande va petit à petit se révéler au lecteur. Un très bel hommage à ce pays, un très beau moment de littérature.
de Véronique Ovaldé
Editions de l’Olivier
19,50 euros
Véronique Ovaldé, sa plume délicate et lumineuse, toujours flirtant avec une drôle de rudesse onirique, une réalité exaltée, semble avoir pris un nouvel envol, un très bel envol. On retrouve dans La Grâce des brigands ses thèmes chers, présents dans ses ouvrages précédents, tels les relations familiales et générationnelles, les rapports passé-présent, la féminité… Mais c’est vraiment l’essence cristallisée de ces éléments qu’elle a extrait pour en constituer ce roman, d’une ampleur inégalée. Avec toujours des personnages magnifiquement nommés, comme l’héroïne, Maria Cristina Väätonen, qui lorsqu’elle reçoit un appel de sa mère dont elle est sans nouvelles depuis des années, voit l’ordre qu’elle avait cru installer dans sa vie tout bouleversé, surtout lorsqu’elle apprend qu’elle doit retourner à la maison familiale pour ramener Peeleete, le fils de sa sœur, avec elle, et l’adopter. Nous sommes en juin 1989, Maria Cristina vit à Santa Monica. Cela fait vingt ans qu’elle a quitté Lapérouse et son univers archaïque pour la lumière de la ville et l’esprit libertaire de la Californie des années 70. Elle n’est plus la jeune fille contrainte de résister au silence taciturne d’un père, à la folie d’une mère et à la jalousie d’une sœur. Elle n’est plus non plus l’amante de Rafael Claramunt, un écrivain/mentor qu’elle voit de temps à autre et qui est toujours escorté par un homme au nom d’emprunt, Judy Garland. Encouragée par le succès de son premier roman, elle est déterminée à placer l’écriture au cœur de son existence, être une écrivaine et une femme libre. Quitte à composer avec la grâce des brigands.
de Jacqueline Wilson
Folio junior
7,90 euros
Pétillante, généreuse, fougueuse, Millie Plume grandit heureuse à la campagne dans la famille qui l’a recueillie et qui l’aime tant. Hélas, le bonheur ne dure pas. Elle doit partir à l’orphelinat. Comment supporter cette nouvelle vie aux règles si sévères ? Grâce à un caractère bien trempé, une sacrée joie de vivre et aussi des amis… Mais ce qui anime par-dessus tout notre héroïne, c’est un rêve caché : retrouver un jour sa véritable mère.
Un joli roman d’aventures, très drôle qui nous permet de découvrir une petite héroïne très attachante, qui nous fait passer du rire au larmes en moins de deux. Entre David Copperfield et la Comtesse de Ségur !
A partir de 10 ans.
de Franz-Olivier Giesbert
Editions Gallimard
21 euros
Ceci est l’épopée drolatique d’une cuisinière qui n’a jamais eu peur de rien. Personnage loufoque et truculent, Rose a survécu aux abjections de cet affreux XXème siècle qu’elle a traversé sans rien perdre de sa sensualité ni de sa joie de vivre. Entre deux amours, elle a tout subi : le génocide arménien, les horreurs du nazisme, les délires du maoïsme. Mais chaque fois, elle a ressuscité pour repartir de l’avant. Grinçant et picaresque, ce livre raconte les aventures extraordinaires d’une centenaire scandaleuse qui a un credo : « Si l’Enfer, c’est l’Histoire, le Paradis, c’est la vie. »
de Daniel Pennac, illustré par Manu Larcenet
Coédition Gallimard/Futoropolis
35 €
Qu’il est beau, mais qu’il est beau ! Cette édition illustrée du roman de Daniel Pennac est tout d’abord un sacré bel objet : très grand format, quelques kilos et une maquette léchée comme on les aime.
Le texte est bien sûr dans sa version intégrale : le journal du corps du narrateur, de son adolescence à sa mort… Corps marqué par la vie, les blessures, les peines et les joies, vieillissant inexorablement…
Les illustrations de Manu Larcenet ne sont pas là uniquement pour faire joli. Elles font écho au texte, sont souvent sombres, torturées. On sait combien Larcenet est un auteur et illustrateur talentueux, depuis son magnifique Combat ordinaire. On est ici plus proche du style graphique de Blast, l’autre chef d’œuvre de ce grand angoissé : un noir et blanc émouvant, très juste, et très libéré.
La rencontre de deux grands messieurs de la littérature française, un vrai bijou !
Andrus Kivirähk
Editions Attila
23 euros
Un magnifique conte estonien, très drôle, jouissif et légèrement pamphlétaire (mais n’est-ce pas le rôle du conte ?)
Une histoire folle et merveilleuse, celle du dernier homme qui parlait la langue des serpents, de sa soeur amoureuse d’un ours, d’australopithèques qui élevaient des poux géants, d’une salamandre qui volait dans les airs… Une histoire folle, donc, même acadrabantesque, mais portée par une si belle langue, classique et savoureuse, qu’on a presque l’impression de lire une histoire vraie.
Une histoire qui fait rire et rêver. Et en ce triste mois de janvier, ça fait du bien !