La première femme nue

De Chistophe Bouquerel
Actes Sud, 27€

Avec ses 1200 pages, c’est le pavé de l’été ! Et c’est un roman d’amour superbe qui nous emmène dans l’âge d’or de la Grèce antique, sur les pas du sculpteur Praxitèles et de sa maîtresse, amie et modèle Phryné, qui fut la prostituée la plus belle, la plus scandaleuse et la plus riche d’Athènes. Outre le propos passionnant sur l’art antique et le génie de Praxitèles et la sensualité torride du roman, on est surtout charmé par la personnalité de Phryné, d’une étonnante modernité (et qui peut parfois rappeler Grisélidis Réal) : une prostituée libre, militante, assumant sa sexualité et jouant de son pouvoir sur les hommes.9782330050863_1_75

Le voyage de Simon Morley

de Jack Finney
éditions Denoël, 24€

Un roman captivant paru pour ma première fois en 1970, lauréat du Grand Prix de l’imaginaire en 1994 et introuvable en France depuis de longues années…

Simon Morley (sympathique de la première à la dernière page) est recruté par le gouvernement américain pour être l’un des pionniers du voyage dans le passé. Après tout, on vient de conquérir la Lune, pourquoi le temps résisterait-il ? Mais ici, pas de machine infernale ou d’attirail technologique avancé : non, pour voyager dans le temps, il faut seulement s’immerger dans l’esprit d’une époque, se persuader que l’on y vit pour finalement un jour s’y réveiller pour de bon. Alors, pour partir à New-York en 1896, SImon Morley va habiter un vieil immeuble new-yorkais, se faire livrer tous les jours le Times du siècle passé qu’il lira à la lueur d’un bec de gaz… Et un soir de neige, le miracle se produit, Simon se retrouve à la fin du XIXe siècle !

Si Le voyage de Simon Morley est souvent considéré comme un classique de la littérature de voyage dans le temps (aux côtés de La Machine à voyager dans le temps de HG Wells), c’est en fait plus un récit de voyage (teinté d’un enquête policière) qu’un roman de science-fiction. Car Simon nous fait partager ses impressions du New-York passé, ville terriblement exotique pour un new-yorkais d’aujourd’hui. On se promène avec lui dans les rues de Manhattan au milieu des embouteillages de fiacres, on découvre les habitudes de cette époque déjà lointaine et on regarde les nombreuses photographies anciennes qui illustrent le livre. C’est une lecture très agréable et terriblement dépaysante !

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mon tout petit

de Germano Zullo et Albertine
La Joie de lire
14,90€

A travers le coup de crayon infiniment tendre et délicat d’Albertine, et la sensibilité des mots de Germano Zullo, c’est le cycle de la vie qui s’esquisse au fil des pages. Un livre autour de la maternité et du lien qui petit à petit se crée entre une maman et son enfant : c’est tout d’abord le ventre de la maman qui apparait, puis l’enfant, minuscule, qui, imperceptiblement dans les bras de sa grande maman, va grandir tandis qu’elle devient de plus en plus petite…
Un livre pour enfants qui s’adresse peut-être d’abord aux adultes, un petit bijou très finement réalisé, tant que par son contenu que le livre-coffret lui-même.
Coup de cœur de Paule

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Tous les démons sont ici

de Craig Johnson
aux éditions Gallmeister
23,50€.

Sans doute le meilleur polar que Craig Johnson nous ait jamais donné à lire (et nous, on les a tous lus !).
Cette fois-ci, le shérif Walt Longmire se trouve confronté à Raynaud Shade, considéré comme le plus dangereux sociopathe des États-Unis. Ce dernier est en cavale, et c’est une véritable chasse à l’homme qu’entreprend Walt à travers le blizzard violent qui sévit sur les montagnes. En pleine tempête de neige, malgré tous les obstacles, c’est un véritable enfer qu’il va devoir vivre pour tenter d’appréhender son fugitif (ce n’est d’ailleurs pas pour rien que le fameux livre de Dante se trouve justement dans sa poche) ; et beaucoup des rencontres qu’il aura à vivre seront assez inattendues…
A lire au coin d’un bon feu.couv rivire

 

Une Bible, de Rébecca Dautremer et Philippe Lechermeier

Une Bible
De Philippe Lechermeier, illustré par Rébecca Dautremer
Editions Gautier Languereau, 45€

« Une Bible comme un roman » nous dit le bandeau de ce beau livre… Oui, mais une Bible comme un livre d’art avant tout, tant les illustrations de Rébecca Dautremer sont somptueuses, tranchent radicalement avec 2000 ans d’imagerie chrétienne et auraient toute leur place dans un musée. L’idée de l’ouvrage (officiellement un album jeunesse… nous on l’a mis avec les beaux-arts !) est de proposer une version de la Bible qui puisse se lire comme un recueil d’histoires, voire un roman d’aventures. Façon de découvrir (ou redécouvrir) les personnages et les épisodes principaux de l’ancien et du nouveau testament, dans une langue vivante et contemporaine, profane mais très respectueuse du livre originel. Bref, c’est un régal pour les yeux et l’esprit !

Il existe également une version de luxe en très grand format, limitée à 400 exemplaires, sur un papier splendide, accompagnés d’un tirage numéroté et signé par Rébécca Dautremer. Pour 199€ quand même, mais ça vaut le coup d’œil !

 

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Rouge ou mort

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« Répétition, répétition, répétition ». Les premiers mots de Rouge ou mort résument parfaitement le style de David Peace : des phrases courtes, plus durassiennes que du Duras, répétées comme une litanie, comme un mantra. Alors certains, comme le libraire trouvent cette langue hypnotisante et tellement belle (surtout à voix haute…) . D’autres trouvent ça épuisant et insupportable ! D’autant que le sujet de cet énorme pavé n’est pas évident : Rouge ou mort retrace la carrière de Bill Shankly, l’entrîneur mythique du club de football de Liverpool dans les années 60. Au delà de la passion de cet homme pour son équipe, de sa gloire et de sa chute, David Peace écrit un grand roman social, l’équivalent littéraire d’un film de Ken Loach. C’est un portrait de Liverpool, du nord de l’Angleterre pré-Thatcher, sa grisaille et ses briques, et ses ouvriers dont le coeur bat au rythme des victoires et des défaite de leur équipe. Bref, Rouge ou mort est un livre hors norme qui mérite que les lecteurs curieux y jettent un oeil. changées, et cependant la même cire demeure. Peut-être était-ce ce que je pense maintenant, à savoir que la cire n’était pas ni cette douceur du miel, ni cette agréable odeur des fleurs, ni cette blancheur, ni cette figure, ni ce son, mais seulement un corps qui un peu auparavant me paraissait sous ces formes, et qui maintenant se fait remarquer sous d’autres. Mais qu’est-ce, précisément parlant, que j’imagine, lorsque je la conçois en cette sorte ? Qu’est-ce maintenant que cette extension ? N’est-elle pas aussi inconnue, puisque dans la cire qui se fond elle augmente, et se trouve encore plus grande quand elle est entièrement fondue, et beaucoup plus encore quand la chaleur augmente davantage ? Et je ne concevrais pas clairement et selon la vérité ce que c’est que la cire, si je ne pensais qu’elle est capable de recevoir plus de variétés selon l’extension, que je n’en ai jamais imaginé. Il faut donc que je tombe d’accord, que je ne saurais pas même concevoir par l’imagination ce que c’est que cette cire, et qu’il n’y a que mon entendement seul qui le conçoive; je dis ce morceau de cire en particulier, car pour la cire en général, il est encore plus évident. Certes ce ne peut être rien de tout ce que j’y ai remarqué par l’entremise des sens, puisque toutes les choses qui tombaient sous le goût, ou l’odorat, ou la vue, ou l’attouchement, ou l’ouïe, se trouvent changées, et cependant la même cire demeure. Peut-être était-ce ce que je pense maintenant, à savoir que la cire n’était pas ni cette douceur du miel, ni cette agréable odeur des fleurs, ni cette blancheur, ni cette figure, ni ce son, mais seulement un corps qui un peu auparavant me paraissait sous ces formes, et qui maintenant se fait remarquer sous d’autres. Mais qu’est-ce, précisément parlant, que j’imagine, lorsque je la conçois en cette sorte ? Qu’est-ce maintenant que cette extension ? N’est-elle pas aussi inconnue, puisque dans la cire qui se fond elle augmente, et se trouve encore plus grande quand elle est entièrement fondue, et beaucoup plus encore quand la chaleur augmente davantage ? Et je ne concevrais pas clairement et selon la vérité ce que c’est que la cire, si je ne pensais qu’elle est capable de recevoir plus de variétés selon l’extension, que je n’en ai jamais imaginé. Il faut donc que je tombe d’accord, que je ne saurais pas même concevoir par l’imagination ce que c’est que cette cire, et qu’il n’y a que mon entendement seul qui le conçoive; je dis ce morceau de cire en particulier, car pour la cire en général, il est encore plus évident. Enfin toutes les choses qui peuvent distinctement faire connaître un corps, se rencontrent en celui-ci. Mais voici que, cependant que je parle, on l’approche du feu : ce qui y restait de saveur s’exhale, l’odeur s’évanouit, sa couleur se change, sa figure se perd, sa grandeur augmente, il devient liquide, il s’échauffe, à peine le peut-on toucher, et quoiqu’on le frappe, il ne rendra plus aucun son. La même cire demeure-t-elle après ce changement ? Il faut avouer qu’elle demeure; et personne ne le peut nier. Qu’est-ce donc que l’on connaissait en ce morceau de cire avec tant de distinction ? Commençons par la considération des choses les plus communes, et que nous croyons comprendre le plus distinctement, à savoir les corps que nous touchons et que nous voyons. Je n’entends pas parler des corps en général, car ces notions générales sont d’ordinaire plus confuses, mais de quelqu’un en particulier. Prenons pour exemple ce morceau de cire qui vient d’être tiré de la ruche : il n’a pas encore perdu la douceur du miel qu’il contenait, il retient encore quelque chose de l’odeur des fleurs dont il a été recueilli; sa couleur, sa figure, sa grandeur, sont apparentes; il est dur, il est froid, on le touche, et si vous le frappez, il rendra quelque son.

La vie rêvée de Rachel Waring

de Stephen Benatar
aux éditions du Tripode
22€

Rachel Waring est une femme étonnante, qui semble prendre vie le jour où elle hérite d’un hôtel particulier à Bristol. Dès cet instant, tout change : bye bye Londres, le travail d’employée de bureau, et sa colocataire qui commençait de toute façon à lui taper sur les nerfs. Rachel Waring quitte tout, pour aller éclore dans cette nouvelle maison, c’est désormais une vie consacrée à ses idéaux qui commence : Rachel se met à écrire, s’offre un jardinier et de belles robes, restaure sa maison, s’intéresse à l’art, découvre l’amour, chantonne en permanence, c’est le bonheur pur et l’insouciance qui émanent de chacun de ses pores. A tel point qu’autour d’elle, on finit par s’inquiéter.

Excentrique, dérangeant, empreint de folie douce, il s’agit-là d’un roman qui vous laisse un petit quelque-chose au fond de la bouche, de la gorge, car on se dit qu’il y a peut-être un peu bout de Rachel Waring en chacun de nous. Car après tout, qui n’a jamais rêvé sa propre vie ?

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