Autrices, ces grandes effacées qui ont fait la littérature, t. 1 et 2, textes choisis et présentés par Daphné Ticrizenis, éditions Hors d’atteinte.
Si des générations d’écoliers ont eu affaire au classique Lagarde et Michard, aucune anthologie de cette ampleur n’avait rassemblé, à notre époque, des textes écrits par des femmes pour retracer sur plusieurs siècles le rôle qu’elles ont joué dans la littérature. Celui-ci a pourtant été majeur, et même si elles ont été oubliées, spoliées et invisibilisées, nombre d’entre elles ont laissé des textes puissants qui résonnent encore fortement aujourd’hui.
Le capitalisme cannibale, la mise en pièces du corps, Fabrice Colomb, éditions L’échappée
Plasma, cornées, tumeurs de foies, ovules, lait maternel, cellules souches, sperme… sont devenus en toute légalité des marchandises. Ces échantillons biologiques s’échangent sur des marchés, à l’échelle mondiale ; les uns pour lutter contre le vieillissement ou des maladies chroniques, les autres pour combattre l’infertilité ou augmenter la masse musculaire.
Ce livre retrace le passage d’un « corps-cosmos » à un « corps stock » qui aboutit à la création d’un grand bazar de pièces détachées disponibles pour la bioéconomie. À grands coups de biotechnologies, les éléments du corps sont transformés en ressource génératrice de croissance. Pour le montrer, l’auteur s’appuie notamment sur les enquêtes qu’il a menées sur les biobanques et sur la transformation du plasma en médicaments.
Elles permettent de comprendre pourquoi cette marchandisation passe inaperçue grâce, notamment, au coup de bluff d’une bioéthique orchestrée par l’État. La bioéthique crée l’illusion qu’institutions et experts constituent un rempart au développement effréné de la technoscience et du capitalisme. Alors qu’elle accompagne ce processus de mise en pièces du corps par un capitalisme proprement cannibale.
Rendre le monde indisponible, Hartmut Rosa, La découverte
L’auteur d’Accélération et de Résonance, grand penseur de la modernité livre ici un court texte (mais ô combien riche en paradoxes) qui continue de questionner le sujet et son rapport au monde dans une période régie par la disponibilité et le calcul. Un essai magnifique qui réinjecte de l’invisible, de l’imprévisible, dans notre relation perdue au réel et à nous-mêmes : « disposer à notre guise de la nature, des personnes, de la beauté qui nous entoure nous prive de tout résonance avec elle ».
Dans leur travail, John Berger, Traduction Brice Matthieussent, éditions Héros Limite
En 1973, John Berger, presque cinquantenaire, s’installe en Haute-Savoie dans le petit village de Mieussy. La vie rurale est celle des paysans de montagne du début du XXe siècle. On parle encore le patois dans les cafés, les chevaux de trait sont plus nombreux que les automobiles.
Sans idéalisme ni nostalgie, John Berger capte différents moments de ce monde en mouvement, dont les témoignages illustrent le lien au temps, à la terre, à l’amour également, et les valeurs de préservation face au changement qui les étreints. A la fois roman de fiction et roman documentaire engagé, le récit rend compte de l’évolution du monde paysan. La vie dans un village traditionnel pour Terre de cochon, premier volume de cette trilogie. Ses transformations et profondes évolutions dans Une fois en Europa, avec l’arrivée de la mécanisation, des planifications européennes jusqu’aux pesticides de Monsanto. Le troisième volume, Lilas et Flag, raconte l’exil forcé des paysans, arrachés à leur terre, vers la métropole et la difficile intégration dans le milieu urbain. Une évolution historique, universelle, dont l’histoire n’a cessé de se poursuivre sous nos yeux, bien qu’à l’abri des regards, isolée en haut de nos montagnes.
Entre fiction, documentaire et autobiographie, c’est avec une grande sensibilité que l’auteur britannique nous montre derrière ces visages la grande détresse d’une profession si souvent dénigrée face à la modernité capitaliste.
Une trilogie proposée pour la première fois en un seul volume et dans une nouvelle traduction.
La vie simple : les vertus minimes et communes, Carlo Ossola, éditions Les Belles Lettres
Quelles sont les vertus « ordinaires » de nos vies, celles qui passent souvent inaperçues à notre manière d’être sensibles surtout à des gestes marquants ? Carlo Ossola nous les rappelle, vertus pour soi et pour les autres, vertus minimes et communes qui fondent et mesurent l’homme et la société.
Bibliothèque idéale des philosophes français, De Guillaume Budé à Antoine de Saint-Exupéry, rassemblée et présentée par Jean-Louis Poirier, éditions Les Belles Lettres.
À côté des plus grands philosophes, bien connus, mais dont on lira des pages inattendues, sauvées de l’oubli ou du contre-sens, ce sont d’innombrables pépites, enfouies, écartées, condamnées, la foule des obscurs ou des oubliés, qui surgissent dans ces pages.
Alors nous irons trouver la beauté ailleurs, Corinne Morel Darleux, éditions Libertalia
« Alors nous irons trouver la beauté ailleurs est une déambulation littéraire, politique et géographique qui navigue entre l’essai, le récit de voyage et le journal. Elle parle d’Inde et de romans, de prison et de broderie, de tropiques et de subsistance, de folie, de décroissance et de rêves. Des vaches et des écureuils tigrés s’y promènent en toute liberté au milieu de réflexions sur l’activisme politique. Elle mélange allègrement les genres. J’espère qu’elle saura aussi brouiller les frontières. »
Au commencement était… : une nouvelle histoire de l’humanité, David Graeber, David Wengrow, éditions Les liens qui libèrent
Voici l’édition Poche collector du grand livre de davdi Graeber et David Wengrow. Depuis des siècles, nous nous racontons sur les origines des sociétés humaines et des inégalités sociales une histoire très simple. Pendant l’essentiel de leur existence sur terre, les êtres humains auraient vécu au sein de petits clans de chasseurs-cueilleurs. Puis l’agriculture aurait fait son entrée, et avec elle la propriété privée. Enfin seraient nées les villes, marquant l’apparition non seulement de la civilisation, mais aussi des guerres, de la bureaucratie, du patriarcat et de l’esclavage. Ce récit pose un gros problème : il est faux.
Géohistoire : une autre histoire des humains sur la Terre, Christian Grataloup, éditions Les Arènes
En mobilisant la géologie, l’anthropologie, la climatologie, la démographie, la génétique ou encore l’économie, Christian Grataloup dessine dans ce livre lumineux et pionnier une autre histoire des sociétés humaines. En confrontant toutes ces disciplines à nos connaissances historiques, il raconte pourquoi et comment les civilisations sont apparues sur la Terre, se sont développées ou ont parfois disparu.