Joël Dicker
22 euros
650 pages à vous couper le souffle ! Des livres, on en lit beaucoup : des bons romans, des moins bons, des originaux, plusieurs excellents. Et voici que vous ouvrez un roman qui ne ressemble à rien, et qui est si ambitieux, si réussi, si riche, si haletant, faisant preuve d’une telle maîtrise de tous les dons du romancier que l’on a peine à croire que l’auteur n’ait pas encore dépassé la trentaine.
L’histoire se passe dans une petite ville américaine. Elle commence à New York, avec Marcus Goldman, jeune écrivain qui a connu un succès foudroyant avec son premier roman deux ans auparavant, et qui se trouve ensuite confronté au douloureux syndrome de la page blanche. Brusquement, il arrête tout pour voler au secours de Harry Quebert, écrivain beaucoup plus âgé que lui, qu’il admire, qui a été son maître, et dont on vient d’apprendre qu’il a été mis en prison pour avoir assassiné trente ans plus tôt une fille de 15 ans avec qui il avait une liaison.
Après deux mois d’enquête, il a pratiquement établi l’innocence de son ami, et voilà que l’éditeur qui le menaçait d’un procès parce qu’il ne rendait pas à temps son nouveau roman lui propose de changer son fusil d’épaule et d’écrire en quelques semaines l’enquête menée sur ce crime qui a passionné toute l’Amérique. Une nouvelle aventure commence. Ce n’est plus l’histoire d’une enquête, c’est l’histoire d’un livre sur une enquête. Une très belle construction en miroir, cette fameuse mise en abyme qui fit la gloire d’André Gide lorsqu’il publia en même temps son grand roman Les faux Monnayeurs et Le journal des Faux monnayeurs. Mais ce résumé ne donne qu’une idée très superficielle du livre. A mesure qu’on le lit, on s’aperçoit qu’il contient, sans jamais s’arrêter pour l’analyser, une réflexion profonde sur l’Amérique, sur les défauts de la société moderne, sur la justice, sur l’art, sur les médias. Et sans avoir envie de sauter une seule page, des centaines de tableaux, des personnages avec lesquels on est immédiatement familier dans la petite ville, des situations où les caractères immédiatement présents avec la force du cinéma, vous intéressent en eux-mêmes, bien au-delà de la question de savoir si Harry Quebert est coupable ou innocent. Une ambivalence, où l’ombre de Dostoïevski plane derrière cette histoire si typiquement américaine.
Un très grand livre.