La rentrée littéraire 2021

Rien ne t’appartient, Nathacha Appanah, éditions Gallimard, 160 pages.

L’écrivaine mauricienne Nathacha Appanah est une des voix singulières de la littérature contemporaine francophone qui tisse depuis près de 20 ans une œuvre sensible et puissante. Son nouveau roman retrace le destin de Tara, femme veuve qui se remémore sa jeunesse marquée par l’enfance heureuse, les soubresauts politiques de son pays, la violence, l’amitié. D’une écriture simple, fluide et chargée de mystère, elle dévoile son histoire et celle de l’amie qui la hante grâce à une construction très maîtrisée du récit. Avec une grande finesse, Nathacha Appanah parvient à s’immiscer dans l’intimité des personnages pour raconter de manière très juste des expériences complexes et ambiguës telles que les sentiments et le désir d’une adolescente dans un milieu hostile. Impressionnant !

Notre part de nuit, Mariana Enriquez, éditions du Sous-sol, 768 pages.

C’est la claque de cette rentrée ! Roman de grande ampleur, qui mêle le fantastique, la saga familiale, le roman d’amour, la chronique politique et sociale des années 1980 en Argentine. Un roman addictif et fascinant d’où surgissent des images qui vous renversent, images d’horreur ou de pure tendresse. Truffé de références littéraires, cinématographiques et musicales, le livre nous fait traverser les époques et les continents grâce à une construction narrative élaborée. Mariana Enriquez a un talent fou pour faire vivre ses personnages dans un univers où les morts hantent les vivants et où tous vont nous habiter longtemps.

 

Bel Abîme, Yamen Manai, éditions Elyzad, 120 pages.

Un texte bref et cinglant, quatrième roman de Yamen Manai, jeune auteur tunisien qui a notamment écrit L’amas ardent (2017) que nous avions beaucoup aimé. Dans Bel Abîme, il donne voix à un adolescent rebelle arrêté par la police, s’adressant à son avocat. Il y dit sa rage contre une société tunisienne étouffante : la violence intrafamiliale, le sentiment d’effondrement, l’injustice sociale, le manque d’amour. Une parole émouvante et percutante, apparemment simple dans la forme mais qui en dit beaucoup, dans la lignée des textes publiés par la belle maison d’édition Elyzad basée à Tunis.

 

Le sniper, son wok et son fusil, Chang Kuo-Li, éditions Gallimard, coll. Série noire, 368 pages.

Ai Li est un tireur d’élite pris entre deux feux. Après une mission pourtant exécutée dans les lettres de l’art, il va devoir partir en cavale avec ses anciens compagnons d’arme et Interpol à ses trousses. Notre coup de cœur polar de la rentrée. C’est la première traduction du chinois à la série noire et, sans révolutionner les canons du genre, on est ravi de rencontrer une nouvelle voix et un humour venus de loin. Entre Jason Bourne et Shibumi, une lecture vraiment réjouissante.