Let’s Kill Uncle est l’histoire de deux jeunes trublions, Barnaby et Christie, qui débarquent sur une paisible île canadienne et préméditent ensemble le meurtre d’un oncle… lui-même occupé à planifier leur assassinat. Ce classique de la littérature nord-américaine du XXe siècle, réédité cette année par Monsieur Toussaint Louverture, procure d’emblée un plaisir double. Le plaisir esthétique déclenché par un style satirique très maîtrisé, un peu patiné certes mais plaisant jusque dans l’évocation des noirceurs du cœur humain. Et le plaisir intellectuel des questionnements moraux ou psychologiques que les situations et les caractères inventés par Rohan O’Grady ne manquent pas de susciter.
Un doute subsiste lorsque la dernière page est tournée : on ne sait trop s’il faut considérer (et recommander) ce roman comme un ouvrage destiné à la jeunesse – les deux personnages principaux sont des enfants – ou comme un livre pour adultes – les sous-entendus sont nombreux et supposent des compétences de lecture bien assises. Mais si ce point demeure indécidable, c’est peut-être précisément parce que la romancière ne cesse d’interroger les frontières commodes que nous dressons entre les mondes de l’enfance et de l’âge adulte. Les anciens se distingueraient-ils de leurs cadets par un plus haut degré de rationalité ? Il y a lieu d’en douter lorsque les époux Brooks, qui accueillent Barnaby sous leur toit, le chérissent comme une réincarnation de leur fils défunt emporté par la guerre, ou lorsque le très respecté sergent Coulter sème au vent sa correspondance amoureuse. Les enfants se distingueraient-ils de leurs aînés par leur plus grande innocence ? Rien n’est moins sûr : le projet criminel du duo adolescent relève peut-être de la légitime défense sur une île où personne ne les prend au sérieux, mais on ne voit pas ce qui pourrait justifier les moyens qu’ils envisagent…
Un roman malicieux qui pourra donc surprendre et combler de nombreux lecteurs, jeunes et moins jeunes !